D’étranges conjonctions

Il y a d’étranges conjonctions, parfois, dans l’Histoire, comme dans les planètes, qui nous font saisir de grandes courbes du devenir humain — et ses impasses.

Lorsque Socrate est né, le Bouddha, à quelques années près, venait d’entrer dans le Nirvâna et Eschyle était en train de composer son Prométhée. Trois grandes semences humaines dont la dernière reste mystérieuse et inconnue. Presque en même temps. On pourrait dire aussi qu’avec le Nirvâna du Bouddha, l’Asie a pris un tournant… que l’on ne pourrait appeler «fatal» comme celui de l’Occident parce qu’il était doux et bon et compatissant, parce que, déjà, il enjoignait ces «insensés», comme disait le Bouddha, de trouver leur sens et leur réalité. Mais cette «réalité» projetait l’Asie dans une courbe sans issue, du moins terrestre, puisqu’elle nous renvoyait à un Néant dont nous n’aurions jamais dû sortir, sauf par quelque aberration, dont nous ne saurions dire si elle est de Dieu, du Diable ou de notre fabrication.

Mais bientôt notre Science matérialiste allait niveler tout cela, égaliser l’Est et l’Ouest dans un même bain bourbeux et utilitaire qui couvre désormais tous nos continents. Certes, on peut encore se livrer à de bonnes méditations en chambre et à des «libérations» individuelles — rien n’empêche, et c’est rafraîchissant au milieu de notre monde désordonné —, mais la Terre reste enchaînée, comme Prométhée sur son Caucase, et l’osmose bourbeuse ne laissera bientôt plus une conscience debout. Parce qu’il ne faut pas se tromper non plus: l’îlot de Beauté ne survit jamais à une Barbarie environnante — pas plus le Tibet qu’Athènes.

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Parfois, il faut savoir être simple et quitter les pluriels littéraires pour dire «je», comme le passant. «Quelle heure est-il et où vas-tu? Et qu’est-ce qui te meut, ô homme?»

Ainsi parlait Socrate: «Arrête-toi, mon ami, et causons un peu. Non d’une vérité que je détiendrais, non de l’essence cachée du monde; mais de ce que tu allais faire quand je t’ai rencontré. Tu croyais cela juste, ou beau, ou bon, puisque tu allais le faire; explique-moi donc ce que c’est que justice, beauté, bonté.»

Justice-beauté-bonté… Diable! où se cachent donc ces oiseaux?

Satprem, né Bernard Enginger (1923-2007), Français, Breton, fut pendant vingt ans le confident de Mère, qui lui donna son nom véritable le 3 mars 1957 : Satprem « celui qui aime vraiment ». À l’âge de trente ans, il revient définitivement en Inde auprès de Celle qui cherchait le secret du passage à la « prochaine espèce », et forait en son corps ce passage. Mère, dont il deviendra le confident et le témoin pendant près de vingt ans.

Satprem dans La révolte de la Terre

Une pièce musicale de Eric Aron – Fire Dance