De la solitude

Celle, apaisante, que l’on expérimente au sein des grands espaces et qui renforce le sentiment de communion avec la nature et les êtres. Cette solitude est en vérité une « complétude ».

C’est aussi celle, volontaire, de l’ermite qui choisit pour un temps l’isolement qui lui permet d’approfondir sans distraction sa pratique spirituelle. Loin de nous couper du monde, elle devient un puissant moyen de s’ouvrir aux autres, de prendre conscience de l’interdépendance de toutes choses et d’engendrer un amour sans limites envers tous les êtres. »

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Peut-on appeler « solitude » un état intérieur au sein duquel la notion de « séparation » est abolie ? »

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Un essayiste écrivait : « Faute d’avoir le courage d’endurer la durée, le moine connaît une sorte de pourrissement interne. » Si je me fie à mon vécu, c’est exactement le contraire qui se produisit : lors des longues périodes passées en retraite solitaire, je n’eus pas à « endurer » le lent écoulement du temps ; je m’en délectais à chaque instant. Après avoir fermé la porte de mon ermitage pour enfin me consacrer aux pratiques qui me tenaient tant à cœur, les minutes et les heures se transmuaient en fils d’or qui tissaient la tapisserie de l’Éveil. Chaque craquement du bois, chaque murmure du vent, chaque goutte de pluie qui ruisselait sur les carreaux et chaque rayon de soleil qui traversait la pièce pour illuminer les dessins du bois sur les murs paraissaient en harmonie avec mon esprit.

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L’amour, le bonheur sont les aspirations les plus universellement partagées. Pourtant, les inégalités sont légion et le fossé ne cesse de se creuser entre les plus pauvres et démunis et une poignée de nantis qui accumule les milliards au sommet de la pyramide. Que pèsent nos idéaux de bonté et d’altruisme face à ce constat ? Comment contribuer au bonheur de tous dans la confusion qui semble présider au cours du monde ?

Matthieu Ricard dans Carnets d’un moine errant

Une pièce musicale de Chants Grégoriens (Gregorian Chant) – Kyrie