S’émerveiller

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Le regard émerveillé est généreux, il se pose sur le spectacle et en jouit sans vouloir prendre, altérer ou posséder, il ne demande qu’à être partagé. C’est une bienveillance première, provoquant une forme d’attention soutenue, qui confère au regardeur une capacité de voyance. D’où ce constat : l’émerveillement est un mouvement littéralement altruiste.

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Une des vocations de l’art consiste à représenter la dimension secrète et délicieuse du monde, qu’elle nous fait goûter. Une grande partie des images, peintes, photographiées, et peut-être depuis les toutes premières, sur les parois des grottes, témoigne de l’émerveillement devant le visible.

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L’œuvre d’art peut même nous émerveiller tant que soudain elle nous happe et nous absorbe.

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Il faut s’arrêter devant le réel, et cet arrêt seulement rend possible l’émerveillement.

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Cette poésie qui déjoue nos façons d’entendre les mots, qui les démembre puis les réassemble pour les faire sonner selon d’autres réseaux d’autres significations, que provoque-t-elle en moi, sinon l’émerveillement ?

S’émerveiller résulte souvent, devant la beauté du monde comme devant l’invention artistique, d’une déroute de nos habitudes.

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Mais je n’ai pas encore évoqué la forme poétique la plus accordée à l’émerveillement modeste que je veux décrire ici, et à la disposition intime qui le suscite : le haïku, attention au minuscule, au quotidien, au banal; sentiment vif de l’instant et de l’éphémère- quel est le plus bel éloge du monde simple et de la vigilance ?

Le regard est si proche de l’objet contemplé qu’il ne fait parfois qu’un avec lui, « Mon âme plonge dans l’eau et ressort avec le cormoran ».

(Ryota, 1718-1787)

Belinda Cannones dans S’émerveiller

Une pièce musicale de Hildegard von bingen- O vis aeternitatis

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