Le Gai Savoir

Il faut apprendre à aimer.

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Nous finissons toujours par être récompensés pour notre bonne volonté, notre patience, notre équité, notre tendresse envers l’étrangeté, du fait que l’étrangeté peu à peu se dévoile et vient s’offrir à nous en tant que nouvelle et indicible beauté : – c’est là sa gratitude pour notre hospitalité. Qui s’aime soi-même n’y sera parvenu que par cette voie : il n’en est point d’autre. L’amour aussi doit s’apprendre.

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Celui qui est mécontent de lui-même est toujours prêt à s’en venger : nous autres deviendrons ses victimes, ne serait-ce que pour avoir à toujours supporter la laideur de son aspect. Car la vision du laid rend mauvais et sombre.

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Les quatre erreurs – L’homme a été éduqué par ses erreurs : en premier lieu, il ne se vit toujours qu’incomplètement, en second lieu il s’attribua des qualités imaginaires, en troisième lieu il se sentit dans un rapport hiérarchique faux vis-à-vis des animaux et de la nature, en quatrième lieu il inventa des tables du bien toujours nouvelles, les considérant, pendant un certain temps, comme éternelles et absolues, en sorte que tantôt tel instinct humain, tantôt tel autre occupait la première place, anobli par suite de cette appréciation. En finir avec ces quatre erreurs, ce serait en finir avec les notions d’humanité et de «dignité de l’homme».

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L’amour pardonne à l’aimé jusqu’au désir.

Interroger le fanatisme de la vérité qui gouverne la philosophie, reconnaître la vie seule pour source de toute valeur, l’indépendance pour la vertu suprême du philosophe, et rechercher une réconciliation inédite de l’art et de la science : tel est pour Nietzsche le sens du gai savoir. Publié en 1882, réédité et augmenté en 1887, cet ouvrage met en œuvre les principaux thèmes de la pensée de Nietzsche, dont celui de l’éternel retour, qu’il introduit ici pour la première fois. L’auteur y déploie le projet d’une guérison de l’humanité, d’un regain de force et d’amour de la vie : « suprême espérance » qui ne saurait se conquérir que dans la douleur… et dans l’ivresse.

Friedrich Nietzsche dans Le gai savoir

Une pièce musicale de Jean-Philippe Rameau -« Le rappel des oiseaux » (Pièces de clavecin)