Des paraboles de Gibran

Lorsque je commençais à dessiner et à peindre, je ne me suis pas dit: « Vois, Khalil Gibran ! Tu as devant toi toutes sortes de systèmes artistiques : le classique, le moderne, l’impressionnisme, le symbolisme et d’autres encore. Choisis l’un d’eux. » Je n’ai rien fait de pareil. J’ai simplement découvert que ma plume et mon pinceau se souvenaient d’eux-mêmes de mes pensées, de mes émotions, et de mes fantasmes.

Certains croient que l’art consiste à imiter simplement la nature. Mais la nature est bien trop grande et bien trop subtile pour pouvoir être imitée avec succès. Aucun artiste ne pourrait reproduire la moindre des étonnantes et miraculeuses créations de la nature. De plus, quel intérêt y aurait-il à imiter la Nature alors qu’elle est tellement ouverte et accessible à tous ceux qui peuvent voir et entendre ?

Le propre de l’art, c’est plutôt de comprendre la Nature et d’en révéler la signification à ceux qui sont incapables de la comprendre. C’est de dégager l’âme d’un arbre plutôt que de reproduire une fructueuse ressemblance. C’est de révéler la conscience de la mer, non de reproduire des tas de vagues écumantes ou un océan d’eau bleue. La mission de l’art est de tirer des choses les plus familières ce qui n’est pas familier.

Ayez pitié de l’œil qui ne voit dans le soleil qu’un calorifère pour le réchauffer et une torche pour éclairer son chemin entre son domicile et son bureau. C’est un œil aveugle, même s’il peut distinguer une mouche à mille de distance. Ayez pitié de l’oreille qui n’entend, dans le chant du rossignol, qu’une succession de notes. C’est une oreille sourde, même si elle est capable d’entendre marcher les fourmis dans leurs labyrinthes souterrains.

N’est-il pas vrai que chaque fois que nous dessinons la Beauté nous faisons un pas de plus vers elle ? Et chaque fois que nous écrivons la Vérité, nous ne faisons qu’un avec elle ? Ou proposez-vous de museler les poètes et les artistes ? L’expression de soi n’est-elle pas un besoin profondément ancré dans l’âme humaine ?

Est-ce vraiment Dieu qui a créé l’homme, ou est-ce l’inverse ? L’imagination est le seul créateur, et sa manifestation la plus proche et la plus claire est l’art. Oui, l’art, c’est la vie, et la vie c’est l’art. En comparaison, tout le reste est vide et futile.

La beauté est cette harmonie entre la joie et la tristesse qui commence dans notre Saint des Saints et finit hors de portée de notre imagination.

Dans la volonté de l’homme il y a un pouvoir de désir ardent qui transforme en soleil le brouillard qui est en nous.

La plupart de religions parlent de Dieu au masculin. Pour moi, il est autant une Mère qu’un père. Il est le père et la mère en une personne; et la Femme est la Déesse-Mère. On peut rejoindre le Dieu-Père par l’esprit ou l’imagination. Mais la Déesse-Mère ne peut être atteinte que par le cœur, et par l’Amour. Et l’Amour est ce vin sacré que les dieux distillent dans leurs cœurs pour le verser dans le cœur des hommes.

Les femmes ont ouvert les fenêtres de mes yeux et les portes de mon esprit. S’il n’y avait eu la femme-mère, la femme sœur, la femme-amante, j’aurai dormi parmi ceux qui troublent la tranquillité du monde par leurs ronflements.

La folie est le premier pas vers l’altruisme. Soyez fou, et dites-nous ce qui se cache derrière le voile d’un esprit sain. Le but de la vie est de nous rapprocher de ces secrets, et la folie en est le seul moyen.

Sûrement, vous avez assez prié pour le reste de vos jours, et c’est pourquoi vous n’entrerez pas en adorateur dans une église, car ce n’est pas là que vous trouverez le Jésus que vous aimez tant. Il existe de nombreux endroits où l’on peut adorer la divinité, mais peu nombreux sont ceux qui l’adorent en esprit et en vérité.

Khalil Gibran dans Paroles

Une pièce musicale de Levon Minassian & Armand Amar – Araksi artassouken

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